OPTION DE SPECIALITE  BAC 2007 et 2008
Wesendonck Lieder de Richard Wagner (1813-1883)

 

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Richard Wagner

 

«La puissance expressive du langage musical demande  un complément qu’elle trouvera dans le pouvoir de caractériser avec netteté tout ce qu’un sentiment ou une émotion peut contenir  de personnel et de particulier. Et ce pouvoir, elle ne peut l’acquérir qu’en s’alliant au langage parlé» R.Wagner 

 

Mathilde Wesendonck

 

I - Contexte artistique    II - Eléments biographiques

III - L’œuvre de Wagner: une immense saga

IV - Le langage de Wagner 

V - Les Wesendonck lieder

 

I - Contexte artistique

 

 

* Wagner parcourt tout le XIXe siècle, mais il fait partie de la 2e génération de compositeurs romantiques: il est très marqué par Beethoven dont il se veut l’héritier. Il a pour contemporains principaux Franz Liszt (1811-1886) dont il sera très proche, Giuseppe Verdi (1813-1901) compositeur italien n’écrivant lui aussi que des opéras (La traviata, Nabucco…), ou Johannes Brahms (voir tableau plus bas)

 

    * Le romantisme est un courant artistique qui parcourt l’Europe entière et tous les arts. C’est un type d’expression qui vise à extérioriser les sentiments personnels des créateurs avec passion, excès et contrastes. 1830 est une année féconde pour le romantisme en général (Hernani de Victor Hugo (théâtre), La liberté guidant le peuple de Delacroix (peinture), La symphonie fantastique de Berlioz…)

 

* La 2e partie du XIXe siècle à laquelle appartient plutôt Wagner verra les pays européens chercher leur identité et leur unité, notamment l’Allemagne et l’Italie. L’opéra jouera à cet égard un rôle de tout premier ordre en permettant la transmission publique d’un message patriotique. On retiendra à ce titre les deux compositeurs d’opéra Wagner pour l’Allemagne, et Verdi pour l’Italie.

 

 «Mon piano, jusqu’ici, c’est moi, c’est ma parole, c’est ma vie: c’est le dépositaire intime de tout ce qui s’est agité dans mon cerveau aux jours les plus brûlants de ma jeunesse: c’est là qu’ont été tous mes désirs, tous mes rêves, toutes mes joies et toutes mes douleurs. Ses cordes ont frémi sous mes passions, ses touches dociles ont obéi à tous mes caprices» Franz Liszt.

 

 

 


Eugène Delacroix (1798-1863) - La liberté guidant le peuple, 1830

 

 

 

 

 

LES GRANDS NOMS DU ROMANTISME AU XIXe SIECLE:

 

 

MUSIQUE INSTRUMENTALE –SYMPHONIQUE

 

 

OPERA

 

Ludwig von Beethoven (1770-1827)

Symphonies, Sonates piano,concertos,  musique de chambre… un opéra: Fidelio

 

Franz Schubert (1798-1828)

Musique de chambre, sonates, symphonies…

 

Robert Schumann (1810-1856)

Pièces pour piano, symphonies…

 

Frédéric Chopin (1810-1849)

Musique pour piano exclusivement

(Nocturnes, Préludes, Ballades…)

 

Felix Mendelssohn-Bartholdy (1809-1847)

Symphonies, musique pour piano…

 

Hector Berlioz (1803-1869)

Opéra: Les Troyens, Symphonie fantastique

 

 

Vincenzo Bellini (1801-1835)

La Sonnambula, Norma

 

 

RICHARD WAGNER (1813-1883)

Tannhäuser, Lohengrin, Wesendonck Lieder, Tristan et Isolde, La tétralogie, Parsifal…

 

 

Franz Liszt (1811-1886)

Pièces pour piano, Poèmes symphoniques, musique religieuse…

 

Johannes Brahms (1833-1897)

Pièces pour piano,musique de chambre,

 Symphonies, concertos…

 

Gustav Mahler (1860-1911)

Symphonies, nombreux Lied avec orchestre:

Kindertotenlieder, Das Lied von der Erde…

 

 

Giuseppe Verdi (1813-1901)

(La Traviata, Nabbuco, Rigoletto...)

 

Giacomo Puccini (1858-1924)

(La Bohème, Madame Butterfly…)

 

 

XXe SIECLE:

 

 

Arnold Schönberg (1874-1951)

Œuvres post romantiques: GurreLieder, La nuit transfigurée… avant la période atonale: (Pierrot Lunaire, Erwartung…)

 

 

Richard Strauss (1864-1949)

(Salomé, Ariane à Naxos, Le chevalier à la Rose…, mais aussi symphonies et poèmes symphoniques: Ainsi parlait Zarathoustra…)

 

 

II - Eléments biographiques

 

 

   LA JEUNESSE - PREMIERES GLOIRES

 

* Richard Wagner est né à Leipzig le 22 mai 1813, son père meurt six mois après sa naissance. En août 1814, sa mère épouse l'acteur Ludwig Geyer qui pourrait bien être le véritable père de Wagner, lequel en fera un cas de conscience toute sa vie, en raison de sa confession juive.

 

* Passionné par la musique et le théâtre, il dévore Shakespeare et Beethoven, ses deux maîtres. En 1833, il compose son premier opéra Les fées.

 

* Il se marie avec la cantatrice Minna Planer en 1836 et voyage à travers l’Europe, tant pour sa carrière que pour fuir ses créanciers: Riga, Londres, Paris où il rencontre le poète allemand Heine, et les compositeurs Liszt et Berlioz. Il compose Rienzi, Le vaisseau fantôme, s’installe à Dresde en 1842 et compose Tannhäuser et Lohengrin (voir plus bas).

 

 

    L’EXIL EN SUISSE

 

* Wagner s’engage de plus en plus dans les milieux anarchistes, aux côtés du russe Mikhaïl Bakounine (1814-1876) pour réclamer davantage de libertés ainsi que l'unification de la nation allemande. En 1849, il est poursuivi par la justice et doit s’exiler en Suisse. Il trouve refuge à Zurich chez Otto et Mathilde Wesendonck à qui il écrit les Wesendonck Lieder. C’est aussi là qu’il commence à concevoir sa monumentale Tétralogie (voir plus bas), ainsi que Tristan et Isolde

 

* Lors de son exil, il découvre la philosophie d’Arthur Schopenhauer (1788-1860) en 1854 qui le marquera fortement. Très orientée autour d’une vision pessimiste de la condition humaine, la pensée du philosophe trouvera écho en un Wagner aux prises avec des difficultés diverses matérielles et morales. Autre idée du philosophe qui séduit Wagner: la musique joue un rôle central parmi les arts car elle est le seul d'entre eux qui n'ait pas trait au monde matériel.

 

 

LE RETOUR ET LE SOUTIEN DU ROI LOUIS II de BAVIERE:

 

* Quand il put enfin retourner en Allemagne en 1862, il compose Les Maîtres chanteurs de Nuremberg et trouva en le personnage du jeune Louis II de Bavière (1845-1886), tout juste roi à 18 ans, un indéfectible soutien moral et financier, mettant à sa disposition tous les moyens humains et financiers nécessaires à la représentation de ses œuvres. En 1871, il acquiesce à l'entrée de la Bavière dans l'empire allemand, se désintéresse de plus en plus des affaires de l’état et se fait construire des châteaux fabuleux à l’architecture fantastique (voir plus bas). Il meurt noyé et totalement aliéné.

 

«Vous savez que le jeune roi de Bavière [Louis II] avait donné l’ordre de se mettre en quête de moi. Aujourd’hui j’ai été présenté à lui. Il est hélas si beau, d’un esprit si complet, d’une âme si magnifique, que je crains que sa vie ne soit traitée par ce monde médiocre comme un fugace rêve divin. Il m’aime avec la tendresse et l’ardeur qu’ont met à un premier amour. Il connaît tout de moi, il me comprend intimement, il me devine entier. Il veut que je reste éternellement auprès de lui, que je travaille dans la paix à mes œuvres: il entend me donner tout ce dont j’aurai besoin pour ce faire; il m’ordonne d’achever les Nibelungen [La Tétralogie], il veut les faire représenter tels que je les rêve» écrit Wagner en mai 1864.

 

* Malgré cela, Wagner doit fuir à nouveau en raison de sa liaison avec Cosima, fille de Liszt (dont il aura trois enfants Isolde, Eva et Siegfried) et épouse de son chef d’orchestre et admirateur Hans von Bülow attisant jalousies et critiques, sans parler des soupçons dont il est l’objet concernant l’influence qu’il aurait sur le jeune roi. Il repart en Suisse où, rejoint par Cosima, il entreprendra l’écriture de son autobiographie ainsi que ses funestes écrits antisémites, où il fait part de sa peur du croisement des races: «Les Juifs [tiennent] le travail intellectuel allemand entre leurs mains. Nous pouvons ainsi constater un odieux travestissement de l'esprit allemand, présenté aujourd'hui à ce peuple comme étant sa prétendue ressemblance. Il est à craindre qu'avant longtemps la nation prenne ce simulacre pour le reflet de son image. Alors, quelques-unes des plus belles dispositions de la race humaine s'éteindraient, peut-être à tout jamais». Pensée qui trouvera écho plus tard dans le national-socialisme d’Hitler. Lors de ce séjour, Wagner se lie d’amitié avec le philosophe Friedrich Nietzsche (1844-1900).

 

Château de Louis II de Bavière à Neuschwanstein 1869-88

LE FESTSPIELHAUS:

 

* Wagner émet l’idée de la construction d’un théâtre qui serait entièrement dédié à ses œuvres. C’est à Bayreuth en Bavière que le Festspielhaus sera inauguré en 1876, avec le large soutien financier de Louis II de Bavière. A cette occasion, on y donne la création du Ring des Nibelungen (L'Anneau du Nibelung, ou «La Tétralogie»). Tchaïkovski, qui y avait assisté en tant que correspondant russe, écrivit : «Ce qui s'est passé à Bayreuth restera dans la mémoire de nos petits-enfants et de leur descendance». De nos jours chaque été, des milliers d'amateurs d'opéra viennent du monde entier assister au célèbre festival de Bayreuth. Pendant les représentations, le public est plongé dans l'obscurité et l'orchestre joue dans une fosse, hors de la vue des spectateurs.

 

* Wagner achèvera son dernier opéra Parsifal en 1882, opéra mystique inspiré par la légende du Graal, et s’éteindra à Venise. Il repose dans le jardin de, sa villa à Bayreuth.

 

 

 

 

 

 

III - L’œuvre de Wagner: une immense saga

 

          Wagner ne compose quasiment que des opéras. En voici quelques uns parmi les plus connus:

 

 

Der fliegende Holländer  (littéralement «le hollandais volant», en français: Le vaisseau fantôme), 1843

 

Inspiré par une légende rapportée par Heinrich Heine, l’action se situe en Norvège au XVIIIe siècle et met en scène un capitaine de navire condamné à errer sur les mers, ne pouvant accoster qu'une fois tous les sept ans, afin de trouver celle qui sauvera son âme en lui donnant un amour éternel. Il rencontre Senta, la fille du capitaine d’un autre bateau qui, après malentendus et lui avoir annoncé la malédiction dont il est victime retourne à l’état d’errance alors que Senta, ivre d’amour mais impuissante quant à son sort, se jette dans la mer.

 

 

Tannhäuser, 1845

 

L'action, située en Thuringe (centre de l’Allemagne) au XIIIe siècle, et fait apparaître le héros Tannhäuser succombant aux charmes de Holda, déesse du printemps. Las des plaisirs charnels, il part à Rome et rejoint Elisabeth qui se morfondait depuis sa disparition. Il peut la reconquérir grâce à un concours de poésie auquel il échoue à cause de son apologie des plaisirs sensuels. Il est contraint de s’enfuir et entre temps, Elisabeth meurt sans avoir revu son amant promis. Tannhäuser succombe également, non sans avoir prononcé le nom de la pure jeune fille qui a prié pour lui, lui apportant rémission et pardon.

 

Thème de l’ouverture de Tannhäuser:

 

 

 

Lohengrin, 1848

 

L’action se déroule à Anvers au Xe siècle. La jeune duchesse Elsa de Brabant est accusée d’avoir assassiné son frère Gottfried, héritier de la couronne. Sommée de se défendre, la jeune fille se contente de déclarer qu’elle attend son sauveur. De fait, un mystérieux chevalier s’avance sur une nacelle tirée par un cygne. L’inconnu promet d’épouser Elsa à condition qu’elle ne l’interroge ni sur son nom, ni sur son origine. Pendant les préparatifs de la noce, des ennemis d’Elsa forment un complot et instillent le doute dans son esprit. N’y tenant plus, celle-ci pose au chevalier les questions interdites. C’en est fait de leur mariage: l’être mystérieux dévoile son identité: il est Lohengrin, fils de Parzival (Perceval), chevalier du Saint-Graal., et il a quitté sa communauté surnaturelle pour tenter de mener une existence terrestre. Ayant échoué, il repart comme il était venu. Par ailleurs le cygne qui transportait Lohengrin se métamorphose en jeune garçon, c’est Gottfried, le frère d’Elsa que l’on croyait mort.Elsa tombe inanimée tandis que Lohengrin s’éloigne à jamais.

 

 

 

Tristan et Isolde,  1865

 

Naviguant vers la Cornouaille sous la conduite de Tristan, Isolde, qui doit épouser le roi Marke, livre son histoire à sa servante Brangaine: naguère, Tristan a tué au combat son fiancé Morold. Touché pendant la bataille, la blessure ne se refermant pas, il s’abandonne sur une barque divaguant en mer et finit par s’échouer en Irlande, où il est recueilli par Isolde qui le soigne avant de reconnaître en lui le meurtrier de son frère Morold. Isolde veut se venger en donnant un philtre de mort à Tristan qu’il accepte en connaissance de cause et que Brangaine a remplacé par erreur par un philtre d’amour. Tristant et Isolde deviennent amoureux malgré eux. À l’acte II, l’opéra atteint son paroxysme avec l’immense duo (plus d’une demi heure) entre Isolde et Tristan, ponctué par les avertissements de Brangaine et interrompu par l’arrivée de Marke dont un des chevalier, Melot, inflige un coup d’épée à Tristan. Celui-ci, agonisant, attend la venue d’Isolde, non pour guérir, mais pour mourir, et elle-même, dans le célèbre Liebestod final, se laisse engloutir par amour, sourde aux paroles de pardon de Marke.

 

L’accord dit «de Tristan» dans le Prélude, célèbre pour son ambiguïté tonale:

 

 

 

Der Ring des Nibelungen (L’anneau du Nibelung, ou «La Tétralogie»),  1874

 

C’est un cycle de quatre opéras comprenant: Das Rheingold (L’or du Rhin), Die Walküre (La Walkyrie),  Siegfried, Götterdämmerung (Le Crépuscule des Dieux)

 

 

1 - Das Rheingold (L’or du Rhin)

 

Le nain Alberich voit briller l’or dont les filles du Rhin ont la garde. Elles lui expliquent que cet or rendra tout-puissant celui qui, renonçant à l’amour, s’en emparera et en forgera un anneau. Alberich renonce à l’amour et s’empare de l’or. Le dieu Wotan et son épouse Fricka espèrent retrouver sa sœur Freia, déesse de l’Amour, gardée par les Géants. Wotan, cherche vainement à ruser avec eux, jusqu’à l’arrivée de Loge, dieu du Feu, qui réussit à appâter les Géants avec l’or d’Alberich. Wotan et Loge descendent au Nibelheim, où Alberich accumule les richesses. Il a fait forger par son frère le Tarnhelm, heaume magique qui rend invisible ou transforme à volonté son porteur. Wotan et Loge le poussent à se changer en crapaud, le saisissent et le forcent à céder son trésor dont un anneau. Les Géants marchandent âprement la libération de Freia, exigeant l’or, le Tarnhelm et l’anneau. Wotan finit par leur céder l’anneau.

 

 

2 - Die Walküre (La Walkyrie)

 

Siegmund, épuisé, s’abrite dans une cabane où l’accueille Sieglinde. Hunding, son brutal mari, interroge l’étranger, le reconnaît comme ennemi et le défie en duel pour le lendemain. Tandis qu’Hunding est endormi par un breuvage, Sieglinde montre à Siegmund une épée, baptisée Notung, destinée à un seul héros. Celle-ci est pour lui, et ils s’aiment. Le temps de prendre l’épée, ils s’enfuient. Le dieu Wotan demande à Brünnhilde, sa préférée parmi ses filles Walkyries, d’aller soutenir Siegmund contre Hunding, sans succès. Alors que Siegmund fuit avec Sieglinde devant les guerriers de Hunding, Brünnhilde apparaît à Siegmund et lui annonce sa mort au combat prochain. Lors de celui-ci, Wotan brise l’épée de Siegmund qui est tué, et tue Hunding sur place. Les huit Walkyries, de retour des combats (la «chevauchée des Walkyries»), n’osent pas aider leur sœur contre Wotan furieux. Brünnhilde envoie Sieglinde (à qui elle prédit la naissance de Siegfried), se cacher en forêt. Wotan, la mort dans l’âme, doit châtier sa fille rebelle: déchue de l’état divin et plongée dans le sommeil, elle appartiendra au premier qui l’en tirera, mais seul le plus brave des héros pourra parvenir jusqu’à elle. Après un bouleversant adieu, il entoure son rocher d’un rideau de flammes.

 

Les Walkyries, dans la mythologie scandinave, sont des vierges guerrières qui servaient Odin, maître des dieux. Les Walkyries, revêtues d’une armure, volaient, dirigeaient les batailles, distribuaient la mort parmi les guerriers et emmenaient l’âme des héros au Walhalla, le grand palais d’Odin.

 

Le Walhalla ou Val-Hall, (en norvégien ancien Valhöll, «palais des morts au combat»), dans la mythologie scandinave, palais des héros morts au combat, régenté par le roi des dieux, Odin. Le palais avait 540 portes, par chacune pouvaient passer 800 héros de front et le toit était constitué de boucliers. Les âmes des héros tombés au combat étaient apportées au Walhalla par des guerrières vierges, les Walkyries. Les héros se battaient le jour, mais leurs blessures guérissaient avant la nuit, réunis autour d’Odin, ils s’enivraient alors d’hydromel.

 

     

Représentations de Walkyries, vierges guerrières

 

3 - Siegfried

 

               Mime, frère du nain Alberich , se fait disputer par le jeune Siegfried pour qui il essaie vainement de forger une épée assez solide. Il se soumet ensuite à un jeu d’énigmes avec un voyageur inconnu (Wotan déguisé). On y apprend que Mime a élevé Siegfried le fils de Siegmund et de Sieglinde (morte en couches), dans l’espoir que celui-ci tuera le géant Fafner changé en dragon, lui permettant de remettre la main sur le trésor et l’anneau. Le voyageur inconnu annonce que l’épée brisée de Siegmund (Notung) ne peut être reforgée que par un être sans peur, et que celui-ci tuera Mime. Le nain, affolé, s’en va avec Siegfried à l’antre de Fafner pour reforger l’épée. Siegfried se précipite sur la forge et, avec une énergie démesurée reforge l’épée, dans une totale exaltation. Mime imagine l’assassiner par ruse dès qu’il aura tué le dragon. Devant la grotte où Fafner dort sur son trésor, arrivent Mime et Siegfried. Ce dernier, fasciné par les mystérieux «murmures de la forêt» (page orchestrale colorée et bruissante) tue le dragon Fafner et trouve le Tarnhelm (le heaume magique qui rend invisible), grâce aux indications d’un oiseau. Il tue également Mime, le soupçonnant de lui vouloir du mal. Wotan, venu consulter Erda la déesse de la terre et de la sagesse, apprend qu’il va renoncer au pouvoir divin sur le monde.  Siegfried repousse Wotan de son épée et s’approche du rocher entouré de flammes sur lequel repose Brünnhilde, découvre lentement la longue chevelure de cette walkyrie et s’éveillent tous à un amour passionné.

 


Siegfried tuant le dragon Fafner (Stassen, 1925)

 

4 - Götterdämmerung (Le Crépuscule des Dieux)

 

Hagen, le fils d’Alberich et demi frère de Gutrune prédit à Gunther, roi des Gibichungen, un double mariage Gunther-Brünnhilde et Siegfried-Gutrune. Par la magie d’un philtre versé par Hagen, Siegfried oublie Brünnhilde, désire Gutrune et jure même d’aider Gunther à conquérir Brünnhilde. Sur le rocher entouré de flammes, Waltraute, une des Walkyries, vient supplier Brünnhilde de mettre fin à la désolation du Walhalla en restituant l’anneau au Rhin. Celle-ci refuse de s’en séparer, car il est pour elle le gage de l’amour de Siegfried. Mais elle doit céder à la force d’un inconnu qui franchit les flammes et lui arrache l’anneau. C’est Siegfried, à qui le Tarnhelm (le heaume magique) donne l’aspect de Gunther. Autour de la scène du double mariage, Brünnhilde dénonce l’imposture de Siegfried. Ignorant la cause magique de cette trahison, elle jure avec Gunther et Hagen la mort du héros lors de la chasse du lendemain et leur révèle son point vulnérable (le dos). Siegfried se rit des avertissements des Filles du Rhin qui réclament l’anneau. Puis il absorbe un nouveau philtre qui fait renaître le souvenir de ses amours avec Brünnhilde, aussi Hagen le tue. De retour au château, ce dernier tue Gunther qui lui contestait l’anneau, cependant, le bras de Siegfried mort se dresse pour s’emparer de l’anneau. C’est Brünnhilde qui s’en saisit, et après un long monologue, elle se jette avec son cheval dans le bûcher où elle a fait placer Siegfried. Le Rhin déborde, Hagen se noie en essayant d’empêcher les Filles du Rhin de reprendre l’anneau, tandis qu’au loin le feu, appelé par Brünnhilde, embrase le Walhalla.

 

Parsifal, 1882

 

Dernier opéra de Wagner, cette Bühnenweihfestpiel («célébration scénique sacrée» d’après les termes de Wagner), relate l’histoire du chevalier Perceval, chevalier du Graal, aux prises avec la rivalité du magicien Klingsor et le vieux roi Amfortas mourrant. La voyageuse Kundry tente de s’interposer entre lui (dont elle est amoureuse) et son rival Klingsor. Après une longue errance, Perceval revient triomphalement succéder à Amfortas. Il guérit ce dernier et fait renaître la ferveur en célébrant l’office.

 

 

 

IV – Le langage de Wagner

 

* On peut considérer Wagner comme l’artiste en qui culmine le romantisme en musique. Son art ne laissa indifférent aucun des compositeurs contemporains et postérieurs (Brahms, Mahler, Schönberg…). De plus, sa renommée traversa largement les frontières de l’Allemagne, on trouvait des wagnériens dans l’Europe entière. Et même s’il ne l’a pas été «très longtemps», Debussy qui se rendit en 1888 et 1889 à Bayreuth où il assiste à Parsifal et aux Maîtres chanteurs de Nuremberg affirme avoir été devenu un moment «très wagnerien».

 

* Parallèlement aux compositeurs de musique instrumentale ou symphonique, Wagner, qui ne compose quasiment que des opéras, détourne l’expression romantique habituellement propre à exprimer les sentiments personnels du compositeur à des fins dramaturgiques: c’est au service de ses personnages et de leur psychologie que sa musique œuvre.

 

* Wagner écrit lui-même ses livrets d’opéra, chose fort rare dans l’histoire de la musique. Car voulant tout contrôler, du moindre détail des répétitions, de la mise en scène, de la direction des chanteurs, il ne pouvait laisser la rédaction des  livrets à quelqu’un d’autre, surtout quand on pense qu’il se voulait davantage dramaturge que compositeur

 

* Une nouvelle écriture d’opéra: avant Wagner, l’opéra se découpait en airs et en récitatifs (comme dans ceux de Mozart, par exemple). Dans ses opéras, il n’y a plus cette séparation qui nuirait à l’intensité dramatique, mais un flot musical continu.

 

* Ce flot continu comporte des modulations extrêmement fréquentes et envoûtantes, dont l’originalité aboutira dans leur exacerbation à la fin de la tonalité (Schönberg)

 

* Les Leitmotiv («motif conducteur»). A partir de Tristan et surtout dans la Tétralogie, Wagner associe à chaque personnage ou idée un thème musical autonome dont les variations indiquent dans quel climat psychologique ce personnage/idée évolue. Voir par exemple le leitmotiv de l’amour au tout début du Prélude de Tristan que l’on entend à nouveau par exemple au début de l’Acte III, lorsque Tristan, blessé et ne croyant plus au retour d’Isolde se met à songer à elle. On encore le thème de la marche funèbre de Siegfried dans le Götterdämmerung (Le Crépuscule des Dieux) que l’on entend comme par prémonition dans l’opéra qui précède celui-ci, plus précisément dans la scène des Murmures de la foret de Siegfried, lorsque celui-ci s’apprête à tuer le dragon Fafner.

 

* L’orchestration de Wagner: Wagner n'a jamais réussi à créer de musique de chambre ou de musique instrumentale: ces essais dans ces domaines se sont soldés par de piètres résultats. Il n’écrit bien que pour l’orchestre. Héritier dans ce domaine de Beethoven, mais aussi de Glück et de Haydn, il amplifie leurs techniques, notamment celles des redoublements, voire des triplements de timbre, c'est-à-dire le fait de donner le même thème à beaucoup d’instruments à la fois pour créer un véritable effet de masse. Wagner ne lésine pas sur l’importance de l’effectif. En cela, il se situe dans le droit fil de Beethoven et Berlioz. Plus tard, Mahler poursuivra cette voie, à sa manière.

 

 

 

 

Caricature de Wagner: La grosse charge parisienne, E.B.Kietz,1840

V - Les Wesendonck lieder

 

 

a) Contexte de composition

 

* En 1849, Wagner commence à avoir une solide réputation: les succès du tout récent  Lohengrin (dont il n’a même pas eu le temps d’assister à la création avant l’exil) et Tannhauser se répandent dans toute l’Europe. Participant à l’insurrection de Dresde en 1849 aux côtés de l’anarchiste russe Bakounine (1814-1876), il est recherché et s’enfuit en Suisse à Zurich où il rencontre Otto Wesendonck, un industriel et admirateur qui le protégera, en l’hébergeant et en lui prêtant de l’argent. ««Wagner est le genre d’homme, artiste jusqu’à la moelle, capable d’exercer sur l’art  une influence durable et déterminante. Mais une chose est sûre: on ne doit pas lui remettre de l’argent en mains propres» dira-t-il.

 

 


Barricades de la révolution de Dresde, mai 1849 - Otto Wesendonck

 

 

* Au fil du temps, une relation amoureuse naît entre la poétesse Mathilde Wesendonck et Wagner. C’est alors que ce dernier interrompt son travail à la Tétralogie pour ce consacrer à Tristan et Isolde œuvre inspirée en partie par les sentiments contrariés des deux héros trouvant écho dans sa relation impossible avec Mathilde.

 

* Wagner décide de mettre en musique les cinq poèmes de Mathilde Wesendonck, en version chant/piano (soprano) en 1857-58. Si Träume sera orchestré (orchestre de chambre) par Wagner en renplaçant le chant par un violon solo à l’occasion du 29e anniversaire de Mathilde le 23 décembre 1857, les quatre autres seront orchestrés par la suite par son disciple Felix Mottl vers 1880.

 

* Les cinq lieder sont: Der Engel (L’Ange),  Stehe still (Arrête !), Im Treibhaus (Dans la serre, le dernier des 5 à être composé), Schmerzen (Peines) et Träume (Rêves) et portent comme thèmes principaux l’exaltation de la nature, la nuit, la douleur, l’amour

 

* Parmi ces cinq lieder, "Traüme" (rêves) et "Im Treibhaus" (dans la serre) seront repris et étoffés dans Tristan et Isolde: Im Treibhaus donnera la matière principale de l'inquiétant prélude du troisième acte avec ses sombres accords confiés aux violoncelles et contrebasses, tandis que Träume deviendra le magnifique duo d’amour du second acte O sink hernieder, Nacht der Liebe («O Descend vers nous, nuit de l’amour»)

 

* Ces cinq lieder sont une originalité dans toute l’œuvre de Wagner qui n’est consacrée qu’à l’opéra. De plus, ils figurent parmi les très rares œuvres pour lesquelles ce n’est pas lui qui écrit le texte. Il en avait une très haute opinion: «Je n’ai jamais rien fait de mieux que ces lieder. Très rares sont mes autres œuvres qui peuvent souffrir la comparaison»  lettre à Mathilde 1858

 

 

 

Mathilde Wesendonck

 

 

 

 

 

 

 

 

b) Analyse

TRAÜME (Rêves)

 

Sag’, welch’ wunderbare Traüme

Halten meinem Sinn umfangen,

Dass sie nicht wie leere Schäume

Sind in ödes Nichts vergangen ?

 

 

Dis-moi quels rêves merveilleux

Tiennent mon esprit prisonnier,

Qu’il n’ait pas, telles des bulles vides,

Disparu dans un sombre néant ?

 

Traüme, die in jeder Stunde,

Jedem Tage schooner blüh’n

Und mit ihrer Himmelskunde

Selig durchs Gemüte zieh’n ?

 

 

Des rêves qui, à chaque heure,

Et chaque jour fleurissent plus beaux

Et, avec leurs récits célestes,

Se promènent, bienheureux, dans mon âme ?

 

Traüme, die wie hehre Strahlen

In die Seele sich versenken,

Dort ein ewig Bild zu malen:

Allvergessen, Eingedenken !

 

 

Des rêves, qui tels des rayons sublimes

Plongent dans l’âme,

Pour y peindre un tableau qui ne s’efface pas :

Oublis, souvenirs !

 

Traüme, wie wenn Frühlingsonne

Aus dem Schnee die Blüten küsst,

Dass zu nie geahnter Wonne

Sie der neue Tag begrüβt,

 

 

Rêves, comme lorsque le soleil printanier

Dans la neige embrasse les boutons,

Afin que, dans un bonheur insoupçonné

Le jour nouveau les salue

 

Dass sie wachsen, dass sie blühen,

Träumend spenden ihren Duft,

Sanft an deiner Brust verglühen,

Und dann sinken in die Gruft

 

 

Pour qu’ils se développent et fleurissent,

Et en rêvant répandent leur parfum

Puis doucement s’éteignent contre ton sein,

Et disparaissent dans le tombeau.

 

* Le poème évoque les rêves merveilleux qui embrasent l’âme, non sans l’aide d’une Nature idyllique (soleil printanier, fleurs, parfum) mais qui à la fin «disparaissent dans le tombeau». Il y a 5 couplets, toujours nouveaux (le texte ne se répète pas).

 

* Un mouvement se dégage de ce poème: l’expression, calme au début, est de plus en plus intense à mesure que l’on progresse. A chaque étape un «Träume» de plus en plus poignant (nuance et hauteur vers l’aigu) se fait entendre, soulignant l’importance de ce mot. Après «Duft», la tension retombe sur les deux derniers vers, conformément à la disparition des rêves dans le tombeau qu’ils expriment.

 

Courbe de niveau de Träume

 

* La ligne vocale (soprano) est clairement mise en valeur: l’orchestre n’a qu’un rôle secondaire d’accompagnateur.

 

* Cette ligne vocale évolue selon le style wagnérien du «flot continu», sans cellule répétée ni thème clairement identifiable. On retrouve le même principe dans ses opéras. Pour cette raison, on ne peut pas identifier de structure claire (en dehors du principe de retrouver l’introduction à la fin, laissant supposer un possible ABA)

* Le rôle de l’orchestre, bien qu’en second plan, est évidemment loin d’être négligeable: les croches régulières des cordes et les notes longues des vents forment un tissu harmonique sur lequel la voix est libre de faire entendre tous ses mélismes et courbes mélodiques.

 

* Les vents font entendre un motif  important en notes longues mes 5-6 et 7-8. Véritable signature de la pièce que l’on retrouvera évidement dans la scène de Tristan, ce motif accompagnera à trois reprises la répétition du mot «Träume»  à une hauteur différente, soulignant son importance.

 

* L’harmonisation de Träume (9e de dominante) est différente à chaque fois (Mib M, Fa m, Lab M), montrant une progression harmonique très mouvante à mettre en corrélation avec l’intensité sans cesse croissante de l’expression. C’est aussi une des marques fondamentales du style wagnérien (voir plus haut «Le langage wagnérien»). Si la pièce a pour tonalité générale la bémol majeur, il n’en reste pas moins que les modulations au cours de celle-ci sont très nombreuses.

 

* Les deux derniers vers du poème sont mis en musique de manière totalement différente des autres. L’ostinato rythmique (les croches continues) est suspendu pour mettre en valeur la disparition des rêves «dans le tombeau». Il est repris juste après dans la coda. 

 

* A noter la note pédale de la bémol aux violoncelles, très présente dans toute la pièce, et également depuis les deux derniers vers (mes 61) jusqu’à la fin. Malgré les riches harmonies placées au dessus, cette note pédale assure à la pièce une stabilité et un sentiment d’apaisement.

 

       

 

 

IM TREIBHAUS (Dans la serre)

 

 

Hochgewölbte Blätterkronen

Baldachine von Smaragd,

Kinder ihr aus fernen Zonen,

Saget mir, warum ihr klagt ?

 

 

Couronnes de fleurs aux mille courbes,

Baldaquins d’émeraude

Enfants des terres lointaines,

Dites moi, pourquoi vous plaignez-vous ?

 

 

Schweigend neiget ihr die Zweige,

Malet Zeichen in die Luft,

Und der Leiden stummer Zeuge

Steiget aufwärts, süβer Duft.

 

 

Silencieusement, vous inclinez vos branches,

Vous tracez des signes en l’air,

Et, comme un témoin muet des souffrances,

Montez vers les cieux en un doux parfum.

 

Weit in sehnendem Verlangen

Breitet ihr die Arme aus,

Und umschlinget wahnbefangen

Öder Leere nicht’gen Graus.

 

 

Loin, mues par un désir ardent,

Vous étendez largement les bras

Et, sous l’emprise de l’illusion,

Vous embrassez l’horreur vaine du vide absolu

 

Wohl ich weiβ es, arme Pflanze:

Ein Geschicke teilen wir,

Ob umstrahlt von Licht und Glanze,

Uns’re Heimat ist nicht hier !

 

 

Je le sais bien, pauvres plantes :

Nous partageons le même destin,

Même entourés de lumière et de splendeur,

Notre demeure n’est pas ici

 

Und wie froh die Sonne scheidet

Von des Tages leerem Schein,

Hüllet der, der wahrhaft leidet,

Sich in Scweigens Dunkel ein

 

 

Et comme le soleil se sépare joyeusement

Des apparences vides de la journée,

Celui qui souffre véritablement

S’enveloppe dans le sombre manteau du silence.

 

Stille wird’s, ein säuselnd Weben

Füllet bang den dunklen Raum:

Schwere Tropfen she’ich schweben

An der Blätter grünen Saum.

 

 

Le silence se fait, un murmure agité

Envahit, inquiet, l’espace obscur :

Je vois de lourdes gouttes se former

Sur le vert ourlet des feuilles.

 

 

 

* Ce poème présente un personnage associant par métaphore son destin douloureux à celui de plantes (donc de la Nature) dont il partage le même sort. Il évoque en réalité la tristesse et la lourdeur de la vie devant la désillusion: si les trois premières strophes semblent porter l’espoir «[vous] montez vers les cieux en un doux parfum / Loin, mues par un désir ardent…», les trois dernières sont tournées vers la désillusion et le désespoir: «Celui qui souffre véritablement / S’enveloppe dans le sombre manteau du silence»

 

* De caractère triste et  pesant, en ré mineur, cette pièce orchestrée en 1880 par Felix Mottl, un disciple de Wagner, fait entendre un balancement lent à 3 temps (en réalité 6/8 est une mesure à 2 temps, mais prise ici dans un tempo très lent, on perçoit davantage le rythme ternaire, idem quand on est à 9/8) accentuant la pesanteur du sentiment.

 

   * L’orchestre conserve un rôle secondaire d’accompagnement, tout comme dans Träume, mais avec quelques motifs qui lui sont propres: au début mesure 1 (motif A), et la courbe sinueuse de l’alto solo mesure 8 (motif B):

 

                     Le motif A, toujours confié aux cordes est marqué par le balancement ternaire, et fait alter les degrés IV et I (solm - rém), en une sorte de cadence plagale répétée. Il est intégralement joué au début et à la fin:

 

 

 

Le motif B, toujours joué par un instrument solo (alto, flûte, violoncelle) est quant à lui beaucoup plus marqué par la sinuosité chromatique de sa courbe mélodique, celle-ci implique forcément des modulations continues et permanentes, typique du langage de Wagner:

 

 

 

* Ces motifs récurrents permettent d’élaborer une structure, plus ou moins régulière: si les deux premiers couplets sont tous deux pourvus des motifs A et B, il en va différemment pour les couplets 3 (motif A uniquement) et 4 et 5 (ni A ni B). Le couplet 6 retrouve le motif B (violoncelle solo) 

 

* A noter la magnifique suspension du temps et du balancement rythmique au couplet 4, marquant une pause dans le flot musical, à mettre en rapport avec le texte dont le personnage constate à ce moment sa désillusion

 

* Le couplet 6 évoque le «silence» et un «murmure», tout comme la musique devient presque un chuchotement

 

* Du fait de la présence du motif A en introduction comme en coda, on peut parler, vu de haut, d’une forme ABA


 

Intro

Mes 1à 4

 

Couplet 1

Mes 5 à 12

 

 

ouplet 2

Mes 12 à 21

 

Couplet 3

Mes 21 à 29

 

Couplet 4

Mes 30 à 38

 

Couplet 5

Mes 38 à 46

 

Couplet 6

Mes 48 à 59

 

Coda

Mes 60 à 66

A

B

A

 

 

 

ESPOIR

DESILLUSION

 

 

Motif A (mes 1, orchestre)

 

Motif B (mes 8, alto solo)

 

Motif A (mes 12)

 

Motif B (mes 16 flûte solo)

 

 

Motif A seulement (tout du long)

 

 

 

ni A ni B

 

 

ni A ni B

 

Motif B (mes 54, violoncelle solo)

 

Motif A (mes 1, orchestre)

 

 

 

Vers 1,2: Mélodie chantée

 

Vers 3,4: Motif B (alto solo)

 

 

Vers 1,2: Mélodie chantée comme au 1er couplet mais plus courte

 

Vers 3,4: Motif B (flûte solo)

 

 

 

Rythme plus haletant, foi dans l’espérance des vers 1 et 2

 

 

Suspension rythmique (il n’y a plus de balancement ternaire)

 

 

Le balancement rythmique reprend

 

La musique est proche du silence, du «murmure» suggéré par le texte. Tremolo des cordes

 

 

 

Hochgewölbte Blätterkronen

Baldachine von Smaragd,

Kinder ihr aus fernen Zonen,

Saget mir, warum ihr klagt ?

 

 

Schweigend neiget ihr die Zweige,

Malet Zeichen in die Luft,

Und der Leiden stummer Zeuge

Steiget aufwärts, süβer Duft.

 

 

Weit in sehnendem Verlangen

Breitet ihr die Arme aus,

Und umschlinget wahnbefangen

Öder Leere nicht’gen Graus.

 

 

Wohl ich weiβ es, arme Pflanze:

Ein Geschicke teilen wir,

Ob umstrahlt von Licht und Glanze,

Uns’re Heimat ist nicht hier !

 

 

Und wie froh die Sonne scheidet

Von des Tages leerem Schein,

Hüllet der, der wahrhaft leidet,

Sich in Scweigens Dunkel ein

 

 

Stille wird’s, ein säuselnd Weben

Füllet bang den dunklen Raum:

Schwere Tropfen she’ich schweben

An der Blätter grünen Saum.

 

 

 

 

Couronnes de fleurs aux mille courbes,

Baldaquins d’émeraude

Enfants des terres lointaines,

Dites moi, pourquoi vous plaignez-vous ?

 

 

Silencieusement, vous inclinez vos branches,

Vous tracez des signes en l’air,

Et, comme un témoin muet des souffrances,

Montez vers les cieux en un doux parfum.

 

Loin, mues par un désir ardent,

Vous étendez largement les bras

Et, sous l’emprise de l’illusion,

Vous embrassez l’horreur vaine du vide absolu

 

Je le sais bien, pauvres plantes :

Nous partageons le même destin,

Même entourés de lumière et de splendeur,

Notre demeure n’est pas ici

 

Et comme le soleil se sépare joyeusement

Des apparences vides de la journée,

Celui qui souffre véritablement

S’enveloppe dans le sombre manteau du silence.

 

Le silence se fait, un murmure agité

Envahit, inquiet, l’espace obscur :

Je vois de lourdes gouttes se former

Sur le vert ourlet des feuilles.

 

 


Les trois autres Wesendoncklieder: 

 

Der Engel (L'ange)

 

Dans les premiers jours de mon enfance

J'entendais souvent parler d'anges

Qui échangent la joie sublime des cieux

Contre le soleil de la terre,

 

J'entendais dire que, lorsqu'un coeur, craintif,

Se languit en se cachant du monde,

Lorsqu'il veut doucement se faner

Et se dissoudre en flots de larmes,

 

Lorsque ardemment sa prière

N'implore que la délivrance,

L'ange descend de son vol ample

Et l'élève doucement vers les cieux.

 

Oui, pour moi aussi un ange est descendu,

Et sur un plumage lumineux,

Il emporte à présent, loin de toute douleur,

Mon esprit vers les cieux !

 

Stehe Still (Arrête !)

 

Roue du temps, qui siffles et grondes,

Toi, mesure de l'éternité;

Globes de lumière dans le vaste Tout,

Qui encerclez la boule de la terre;

Création originelle et éternelle, interromps toi,

J'en assez de devenir, laisse moi être!

 

Arrête toi, force génératrice,

Pensée originelle qui crée éternellement !

Retiens ton souffle, calme ton élan,

Tais toi pour une seule seconde!

Pulsations débordantes, bridez votre cadence;

Que finisse le jour éternel de la Volonté !

 

Afin que, dans un bienheureux et doux oubli,

Je puisse apprécier tous les bonheurs !

Lorsque avec ravissement les yeux boivent les yeux,

Que l'âme se noie dans l'âme;

Que l’être se retrouve dans l'être,

Et que la fin de tout espoir s'annonce;

Que les lèvres restent muettes dans un silence étonnant,

 

Et que le coeur ne veut plus engendrer aucun souhait:

L'homme reconnaît la trace de L'Eternel

Et résout ton énigme, sainte Nature !

 

Schmerzen  (Peines)

 

Soleil, tes pleurs chaque soir

Rougissent tes beaux yeux

Lorsque, te baignant dans le miroir de la mer,

Tu es rejoint trop tôt parla mort;

 

Mais tu te relèves en toute majesté,

Gloire de ce monde obscur

À nouveau éveillé dans le matin,

Comme un héros fier et conquérant !

 

Hélas! Comment pourrais-je me plaindre ?

Pourquoi mon coeur devrait-il être si triste

Si le soleil lui-même doit perdre courage,

Si le soleil lui-même doit se coucher ?

 

Et si seule la mort engendre la vie,

Et si seules les peines donnent du bonheur,

Oh! combien je remercie la Nature

De m'avoir donné ces peines.

 

     

 

 

Sources:

 

http://richardwagner.free.fr/

 

Préface de la partition  Eulenburg, article de Lionel Salter, 1979

 

L’Education Musicale Bac 2007, supplément au n°533-534  mai/juin 2006. Articles de Gérard Denizeau, Philippe Zwang

 

Analyse musicale n°53, Bac 2007, Septembre 2006, Articles de Philippe Reynal, Laurence Le Diagon-Jacquin, Florence Fix

 

Richard Wagner, L’opéra de la fin du monde, Philippe Godefroid, Collection Découvertes Gallimard musique, ANNEE ?

 

Wagner, L’œuvre lyrique présentée et commentée par Antoine Livio, Editions Le Chemin Vert, Paris, 1983

 

Wagner, Wesendonck Lieder, musique et texte, travail de l’IPR François Virot, 2006

 

Articles «Wagner» dans Wikipedia et  Microsoft Encarta

 

 

 

Gill - Caricature publiée dans L'Eclipse  Avril 1869