Danses roumaines pour petit orchestre de Bela Bartok (hongrois, 1881-1945)

 

* Cette suite de danses a d’abord été écrite pour piano en 1915. Son succès conduisit Bartok et d’autres à les transcrire pour un grand nombre de formations instrumentales. Celle étudiée ici est la version pour petit orchestre de 1917.

 

* Elles constituent une appropriation de Bartok du répertoire populaire (des mélodies pour les 4 premières et du rythme pour les deux dernières) à son langage. Les principales contributions «savantes» de Bartok à ces danses sont :

- l’orchestration, somme toute simple, mais digne d’un compositeur sachant habiller et mettre en valeur ces mélodies

 - mais surtout l’harmonisation de ces mélodies. Comme il est fréquent qu’une mélodie se répète, Bartok aura eu soin de ne pas l’harmoniser à chaque fois de la même manière. De plus il respecte les modes et échelles inhérentes à cette musique, qui ne sont pas uniquement les tyranniques modes majeurs ou mineurs. Voir à chaque danse pour les détails.

 

 

* Il y a sept danses en tout. Les 4 premières sont lentes, de type mélodie seule accompagnée, les trois dernières (les vraies danses) sont rapides et énergiques.

 

* Un effectif orchestral réduit: 2 flûtes, 2 clarinettes en si bémol et en la, 2 bassons, 2 cors en fa, 8 violons 1, 8 violons 2, 6 altos, 4 violoncelles, 3 ou 4 contrebasses. L’effectif orchestral n’est jamais complet avant les trois dernières danses, puisqu’un instrument soliste est mis en valeur dans les pièces lentes (les quatre premières alors que la vivacité des trois dernières requiert tout l’orchestre.

 

 

1) Joc cu bâta (origine: Mezöszabad)   «Danse du bâton»    [Cd II, º]

 

- Le thème est confié à la clarinette et aux violons 1 à l’unisson. Le reste de l’orchestre accompagne de manière très simple et régulière sur chaque temps pour laisser au soliste la primauté du discours très ornementé

- Forme AABB. Le premier B se situe au chiffre 1.

- Alternance la majeur/la mineur dans la partie A.

- Harmonisation différente entre B1 et B2 (voir les basses)

 

2) Brâul (origine: Egres)   «Danse du châle» [Cd II, »]

- mode de ré (comme une gamme mineure, à l’exception de la 6te qui est majeure: ici si bécarre, au lieu de si bémol en ré mineur)

- forme AA où les premiers violons se joignent à la clarinette la 2e fois.

    - accompagnement encore plus simple que la première danse, en noires pizzicato sur une mélodie presque hésitante.

 

 

3) Pe loc (origine: Egres)  «Danse sur place» [Cd II, ¼]

     - thème hésitant faisant bien ressortir la 2nd augmentée mi#-fa# donnant cette couleur orientale

    - mélodie "dérythmée" sur un balancement orchestral à 2 temps donnant l’impression d’une improvisation.

- forme AB  (B commence chiffre 3).

 

4) Buciumeana (origine: Bisztra)  «Danse de la corne [ou] Danse de ceux de Buscumi»   [Cd II, ½]

- forme ABAB  (B mesure 11, le deuxième A commence chiffre 3 en amplifiant le son grâce aux octaves des solistes).

     - ré mineur ("harmonique") avec un thème insistant autour de la 2nd augmentée sib do#

- Une orchestration bien remplie et généreuse de cordes donnant une sonorité chaude et nostalgique

     - éclairage majeur sur B  (sib+4) harmonie différente sur B2 mesure 27, voir la basse)

 

On quitte les danses "avec soliste" pour des danses vigoureuses et rapides requérant tout l’orchestre. Comme déjà dit plus haut, le rythme, élément négligé depuis des siècles est rétabli dans ses droits anciens et la musique populaire recouvre son rôle primitif comme fondement de toute composition. Ceci est illustré par les danses suivantes:

 

 

5) Poarga Româneasca (origine Belényes)  «Polka roumaine de Belenyes» [Cd II, ¾] 

 - Grande vivacité et vigueur exprimée grâce à

a) Tempo rapide

b) Alternances de mesures à 2/4 et à 3/4

  c) Accompagnement des cordes en contre temps (les notes alternent entre les cordes graves (violoncelles  contrebasses et  les autre cordes (altos et violons 2)

       - Forme ABAB :

   4 mes intro

         6 mes sur ré (A)     6 mes sur sol (B) mélodie principale aux violons 1

         6 mes sur ré (A)     6 mes sur sol (B) mélodie principale aux Violocelles et  Contrebasses

- Mode de fa (on est en ré majeur avec un 4e degré (ici sol#) augmenté, cela correspond donc au mode de fa )

 

 

6) Maruntel  (origine Belényes) «Danse rapide de Belenyes» [Cd II, 20] 

- Tempo rapide

- Forme AA

- Même mode de fa comme avant (ré majeur plus sol#)   ce qui fait qu'elle sonne proche de la précédente

- Un premier pôle tonal de ré majeur  (A1, début), fa# et sol majeur (avec ré basse) (A2, mes 5): deux harmonisations différentes. A la reprise de A, mesure 9, nouvelle harmonisation du même thème.

 

7) Maruntel [suite] (origine Nyagra) «Danse rapide de Nyagra»  [Cd II, ·]

- C’est la danse la plus virtuose de la série pour finir brillamment la suite.

- L’orchestre est au complet.

- Une partie de flûte de plus en plus virtuose au fur et à mesure qu’on s’achemine vers la fin

- Forme ABAB :

 

   A1   8 mes  (4 fois 2)  pôle do majeur

   B1   8 mes  (4 fois 2)  pôle fa    sur des contretemps aux cordes accentuant la vigueur de la pièce

  

   A2   8 mes  (4 fois 2) chiffre 6 nouvelle harmonisation pôle la majeur (au lieu de do à A1)

   B2   8 mes  (4 fois 2)  pôle sol qui ponctue en fa

 

   Coda à partir du chiffre 7:  répétition de B.

 

- La pièce se termine sur un pôle de la majeur, alors qu’on avait commencé en do. Cela confirme qu’il n’y a pas de logique tonale dans ces danses, elles sont harmonisées de manière modale. Pas de tonique/dominante, etc...