Arnold SCHÖNBERG (1874-1951)
Schönberg fut, avant de devenir le
maître à penser du dodécaphonisme et du sérialisme, un compositeur
expressionniste: hanté par Brahms et Mahler, il explora dans un premier temps
les possibilités expressives que lui laissait le langage tonal et romantique
«finissant»: chromatismes poussés, lyrisme des phrases, agitation et climax
paroxystiques. Ce premier quatuor à cordes fut créé à vienne en février 1907,
il s’en suivit un accueil mouvementé: sa forme continue, sans interruptions entre les mouvements ne plut pas à
tous les défenseurs du quatuor classique viennois en quatre mouvements bien
distincts. Le quatuor est sans doute une des dernières formes instrumentales à
avoir aboli la séparation entre les mouvements: la sonate pour piano l’avait
déjà fait (Wanderer-Fantaisie
de Schubert, Sonate en si mineur de Liszt) et la symphonie aussi, en se
transformant déjà depuis une bonne cinquantaine d’années en une forme
symphonique dérivée: le poème symphonique. La quatuor n’avait jusque là pas été
touché par ce remaniement formel. En réalité, il s’agit d’une idée bien
romantique: fusionner plusieurs mouvements en un seul pour donner un aspect narratif, propice à toutes les
imaginations fantasmagoriques et errements de l’âme caractéristiques de cette
époque. Car ce premier quatuor de Schönberg est une œuvre romantique, certes
déroutante, mais résolument rattachée à ses maîtres Brahms et Mahler. En
réalité, les traditionnels quatre mouvements d’un quatuor sont ici plus que
«fusionnés»: ils sont mélangés, en tous cas imbriqués: les nombreux changements
d’humeur et de caractère dans une même minute de musique suffisent à constater
l’éclatement de la découpe traditionnelle mouvement lent/mouvement rapide. On
retiendra cette citation de Stéphane Goldet: «La cohésion formelle ne naît pas tant de
l’unification des quatre mouvements, que de l’expansion diversifiée des
éléments qu’ils contiennent». On notera également l’extrême densité
polyphonique et timbrique de cette œuvre, contribuant
à l’éloignement progressif de la tonalité.