Franz Schubert (1797-1828)

 

Fantaisie en ut majeur pour violon et piano Op.159 D.934  (1827)

 

 

              "Il n'y a absolument rien d'intéressant dans la nouvelle fantaisie pour piano et violon de Franz Schubert, on est en droit de considérer que le cher compositeur s'est, à ce propos, totalement décomposé". Cette critique unanime de l'époque a de quoi laisser perplexe... Serait ce notre époque qui aurait trop idolâtré Schubert ?  Sommes nous trop indulgents ? L'ancienneté d'une œuvre lui donnerait-elle un préjugé trop facilement favorable, surtout quand elle est écrite par un "grand" ? Il faut certainement pénétrer la psychologie de l'époque avec objectivité pour comprendre pourquoi on en arrive à un tel jugement. Car il est indéniable que cette Fantaisie, composée moins d'une année avant sa mort, est une des plus grandes pages de Schubert. Un pur moment de bonheur, de mélancolie et d'intimité, de force aussi, avec toute la modestie légendaire qui le caractérise, sans effet gratuit ni brio superflu, loin des foules, et des salles de concert mondaines. Cette œuvre pour violon et piano (formation assez rare chez Schubert) s'articule, comme toute fantaisie, autour d'une succession de plusieurs climats et humeurs changeantes, au gré d'une âme divaguante et rêveuse. Les faire tenir en un seul mouvement ininterrompu rend l'écoute psychologiquement totalement différente que si elle était découpée en mouvements distincts: la fusion des humeurs en une seule grande fresque est typique du romantisme: elle rend possible le "voyage" intérieur et l'errance solitaire. Cette fantaisie débute par une admirable rêverie dans laquelle le violon suspend quelques notes aiguës sur des trémolos du piano. Vient ensuite la partie suivante commençant par un thème vigoureux en la mineur largement développé. Et c’est au tour du magnifique thème central en la bémol majeur. Alterné au piano et au violon, il sert de matériau à toute une série de variations: animées, au violon volubile et au piano massif, imposant et virtuose. Ces variations se terminent par un retour de la partie initiale et d’une cadence du violon. Ne sachant jamais trop comment mettre fin aux «divines longueurs»  médianes, Schubert conclut sa fantaisie par un final brillant, technique éprouvée ailleurs (sonate pour piano en la majeur D.959) sans pouvoir s’empêcher de citer le thème central encore une fois.