Igor Strawinsky  (1882-1971)

 

L'histoire du soldat             (1918)

 

Pour clarinette, violon et piano (transcription du compositeur)

 

            Il s’agit d’un conte russe ramené par le compositeur lorsqu’il s’exila en Suisse au début de la première guerre mondiale. Un soldat en permission échange avec le diable son violon –c’est tout ce qu’il possède- contre un livre magique qui lui apportera fortune. Il devient riche mais se sent seul et veut récupérer son violon, ce qu’il fait par ruse. Avec celui-ci il joue au chevet d’une princesse malade et sa musique (tango, valse, ragtime) la guérit. Elle l’entraîne au pays natal du soldat où le diable le retrouve et l’emmène en enfer au son d’une musique sardonique et moqueuse. Chaque situation (triste, gaie..) est prétexte à une humeur musicale différente, dans la tradition de la musique théâtrale des contes populaires.

 

       C’est au poète suisse Charles-Ferdinand Ramuz que l’on doit le livret. La formation originale de cette pièce comporte plusieurs instruments à vent, des percussions, un violon, une contrebasse et surtout trois récitants : le diable, le soldat et le narrateur. Bien que cette formation soit déjà réduite de manière à jouer facilement, à peu de frais et facilitant le transport, Stravinsky conçut un arrangement pour piano, violon et clarinette dès l'année suivante de la composition. On ne garde plus ici que la quintessence musicale du conte: 5 pièces tirant les grandes lignes de l’histoire. On perd le bénéfice des récitants mais qu’importe, que notre imagination fasse le travail à leur place.

 

              La Marche du soldat montre celui-ci en permission pour quinze jours, fatigué de marcher sans cesse. Le Violon du soldat illustre le moment où l’échange du violon se fait avec le diable, déguisé en vieux chasseur de papillons. Suit un Petit concert, où le soldat, «s’empare du violon et tout de suite, debout  à côté du diable se met à jouer », il a récupéré son violon par ruse. « La Princesse [malade] est couchée tout de son long sur son lit et ne bouge pas. Le soldat entre et se met à jouer : » un Tango, une Valse, un Ragtime. La Princesse guérit alors. Le diable supplie le soldat de lui rendre le violon, celui-ci refuse et entraîne l’esprit malin dans une Danse du diable à l’issue de laquelle ce dernier «tombe à terre, épuisé » pendant que le soldat et la Princesse «tombent de nouveau dans les bras l’un de l’autre». La version arrangée se termine sur un happy end alors que la version originale remet le diable en scène lorsque celui-ci entraîne finalement le soldat en enfer.

 

        Il est à noter que l’illustration musicale n’épouse qu’en apparence la légèreté voire la naïveté de ce conte populaire. Les différents styles (violon crin-crin, bastringue, cirque, etc...) relèvent en réalité d’une haute virtuosité instrumentale aux savantes combinaisons rythmiques.