Hugo Wolf (1860-1903)

 

            La vie créatrice d’Hugo Wolf, admirateur acharné de Wagner,  est l’une des plus courtes: une première série d’œuvres voit le jour entre 1878 et 1887, puis près de 250 lieder composés entre 1888 et 1891, enfin une dernière série de lieder italiens en 1896. Ce sont au total près de 350 lieder écrits par cette personnalité excessive, emportée, impulsive et tourmentée qui nous est parvenue; Wolf sombre dans la folie aux dernières années de sa vie. Ses lieder, dont une partie est composée sur des poèmes du poète allemand E.Möricke (1804-1875), expriment souvent l’introspection sombre et solitaire d’une âme sur elle même.

 

 

Verborgenheit

 

            Les premiers et derniers couplets (sur 4), sont traduits musicalement par une ligne vocale douce et chaleureuse (Lass, o Welt, o lass mich sein [laissez-moi, tourments du monde]) tandis que les couplets centraux, plus tourmentés, à l’écriture plus chromatique et au rythme plus haletant laissent transparaître une agitation presque visionnaire: Immerdar durch Tränen sehe Ich der Sonne liebes Licht (je vois à travers mes larmes la lumière adorée du soleil).

 

 

In der Frühe  (Au petit matin). Poème d’E.Mörike

 

            L’instabilité tonale voire l’épaisseur du mélange de tonalités et d’accords chargés rendent à merveille l’atmosphère angoissante et anxieuse de la nuit, propre à faire ressortir les dessous les plus noirs de l’âme. Celle-ci, s’éclaircit à mesure que la lumière diurne fait son apparition et apaise les tensions nocturnes. Le parcours harmonique va lui aussi en s’éclairant: affirmation d’un sib puis d’un ré majeur lumineux et rassurant. 

 

Das verlassene Mägdlein (La jeune fille abandonnée)

 

       Cette lugubre et plaintive expression d’une âme esseulée et méditative est merveilleusement bien rendue par le peu de moyens que Wolf met en œuvre pour l’exprimer: un rythme lancinant (noire/2 croches) évoquant l’absence de mouvement de la jeune fille perdue dans ses pensées, et une progression tonale voilée par des dissonances déstabilisant la tonalité de la mineur. Le regard impassible dans le vide de la jeune fille ne s’anime que lorsque le souvenir de celui qui l’a abandonnée lui revient (Plötzlich, da kommt es mir... [Soudain, cela me revient...]).

 

 

Um Mitternacht  (A Minuit). Poème d’E.Mörike (poète allemand, 1804-1875)

 

Le thème de la nuit est central chez les romantiques. C’est le moment privilégié du mystère, de l’exploration de l’âme, des pulsions troubles: Gelassen stieg die Nacht ans Land [la nuit s’étend calmement]. Le piano accompagne par un fond régulier et sombre en croches égales. Comme pour les autres lieder, la description d’un événement extérieur (ici, la nuit) est évoquée à travers le prisme d’une personnalité: toute la démarche romantique est là.

 

 

Nun Wandre Maria  (Va, avance, Marie)

 

            Ecrit sur un texte religieux (Joseph réconforte Marie pendant la fuite en Egypte).  «Des voyageurs pérégrinent par monts et par vaux, le pied fatigué mais l’âme en repos: très régulièrement, ce mouvement va sans cesse du grave à l’aigu et retour (...) [à la fin] de son mi, désormais majeur, Wolf prédit ainsi l’arrivée à bon port de Joseph, de Marie et de l’enfant à naître». (S.Goldet)